Juillet 1897
N° 74
Séance du 1er Juillet 1897
Le Gouverneur Général s'est plaint aux Amiraux de ce que, profitant de l'absence d'agents du fisc, les Grecs se livrent, sans payer de droits, à la pêche des éponges sur les côtes crétoises.
Les Amiraux ne trouvent pas le moyen d'empêcher cet abus ; la surveillance de la pêche par les navires de guerre turcs semble impossible et probablement dangereuse pour la pacification ; quant à faire faire ce service par des navires des forces internationales, il ne faut point y songer, à cause des frais qu'il occasionnerait aux Puissances.
Les Amiraux, ne pouvant faire davantage, donneront des ordres pour que leurs navires visitent les pêcheurs d'éponge qu’ils se trouveront rencontrer, et fassent sortir de la zone bloquée ceux qui ne seront pas munis de l'autorisation du Gouvernement ottoman.
Le Gouverneur Ismaïl a fait savoir au Commandant du « Trafalgar » qu'il était prêt à envoyer, de La Canée à Candie, les deux compagnies turques demandées par le Colonel Chermside ; ces troupes seront conduites à Candie par le « Hawke ».
Le Commandant du « Trafalgar » annonce que le « Forte » a visité, sur rade de Candie, un caïque portant des bachi-bouzouks avec des munitions et quelques armes ; armes et munitions ont été confisquées.
Cette conduite est conforme aux décisions prises par les Amiraux les 5 et 8 Juin ; il est entendu, d’ailleurs, que les caïques ne peuvent circuler la nuit, sur rade de Candie, qu'avec une autorisation en règle délivrée par le Commandant du Port.
Le Colonel Chermside signale de Candie, au Commandant du « Trafalgar », que le Gouvernement ottoman, ayant cessé la distribution de la ration de farine aux nombreux bachi-bouzouks rentrés des avant-postes, il y aurait lieu de reprendre ces distributions et de sommer les autorités à La Canée, d’envoyer à Candie des provisions en conséquence.
Il sera écrit dans ce sens au Gouverneur Général, auquel on fera remarquer le danger de laisser exposés à mourir de faim, un grand nombre d'individus armés.
À bord du « Trafalgar », à La Sude, le 1er Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Le Trafalgar
N° 75
Séance du 3 Juillet 1897
Les Amiraux, ayant décidé de quitter prochainement la baie de La Sude, pour aller à La Canée, il est convenu que les marins qui occupent le fort et le blockhouse d’Izzedin rentreront sur leurs navires, et que la garde de ces deux ouvrages sera confiée au Colonel austro-hongrois de La Sude, qui y enverra une compagnie, dont le Capitaine sera son représentant.
Le pavillon austro-hongrois restera seul à Izzedin, avec le pavillon turc.
Le pavillon italien restera arboré sur l'îlot de La Sude qui continuera à être occupé par des marins de cette nation, sous l'autorité du Colonel austro-hongrois.
Quant au pavillon allemand, il sera retiré comme ceux des autres nations, mais seulement lorsque l'Amiral Canevaro aura pu informer le Commandant allemand, à Phalère, de la décision des Amiraux.
Les troupes d’Izzedin seront retirées et remplacées le lundi 5 Juillet.
À bord de « l'Amiral Charner », à La Sude, le 3 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 76
Séance du 5 Juillet 1897
Les Amiraux décident que, pendant leur séjour à La Canée, il sera nécessaire d'avoir en permanence, à La Sude, au moins un navire assez important des flottes internationales.
Ce service sera fait à tour de rôle par chaque nation, et assuré jusqu'à nouvel ordre par le croiseur anglais dont la présence ne sera plus nécessaire à La Canée, par suite de l'arrivée des Amiraux sur cette rade.
Séance du 6 Juillet 1897
Dans la matinée du 6 Juillet, une colonne composée de troupes italiennes et austro-hongroises, se rendant en promenade militaire de La Canée à Platanias, a essuyé plus de 100 coups de feu, venus des insurgés d’Alikianou.
Le Capitaine austro-hongrois qui commandait la colonne, rend compte qu'il a été fort perplexe sur le parti à prendre, et qu'il a finalement décidé de ne pas répondre ; mais il demande des instructions pour le cas où se reproduirait un incident semblable.
D'autre part, les chefs insurgés d'Alikianou expriment, par lettre, des regrets de cette agression et affirment que les pavillons (parlementaire, italien et austro-hongrois), ont été pris pour des pavillons turcs par des bergers gardant leurs troupeaux et que ses bergers, seuls, ont tiré. Ils ajoutent qu'ils n'avaient pas été prévenus de la marche des troupes européennes projetée pour ce jour-là.
Les Amiraux estiment que la confusion des pavillons était impossible, qu’il y a, comme d'ordinaire, mauvaise foi de la part des Crétois et décident :
Rien ne sera changé aux décisions précédentes, si ce n'est que les Amiraux ne se croient pas obligés de prévenir les chefs insurgés des promenades militaires qu’ils auront résolu de faire.
Le Commandant Amoretti, Commandant Supérieur des forces internationales à La Canée, continuera à envoyer des colonnes quand il lui plaira et les composera de trois compagnies, renforcées par un canon, s’il le juge convenable.
Le temps est passé de la trop excessive bienveillance.
Le Commandant de la colonne de marche recevra du Commandant Amoretti, l'ordre ferme de répliquer à toute attaque sans hésitation, et de lui ramener les coupables de ces actes de brigandage.
Le Commandant Amoretti fera savoir aux chefs insurgés qu’ils ne seront plus obligatoirement prévenus des marches militaires et portera à leur connaissance l'ordre sévère qu'il donnera, à l’avenir, aux Commandants des colonnes.
Les Amiraux approuvent la proposition du Gouverneur Général de la Crète de déporter à Smyrne les six individus mentionnés dans sa lettre numéro 254. Le premier navire de guerre qui se rendra de La Canée à Smyrne, les y portera et le Gouverneur Général sera prévenu 24 heures à l'avance de l'occasion qui se présentera.
À bord de la « Maria-Theresia », le 7 Juillet 1897
Le Capitaine de Vaisseau italien signé : Nicastro
Le Capitaine de Vaisseau anglais signé : Grenfell
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke

Le Maria-Theresia
N° 77
Séance du 11 Juillet 1897
L'Amiral Canevaro annonce qu'il a reçu une dépêche du Commandant Koellner, le priant de faire rentrer le pavillon allemand de l'îlot de La Sude, comme cela avait été convenu le 3 Juillet.
L'Amiral Harris annonce que le Major anglais Bor est rentré en Angleterre. Les services rendus par cet officier supérieur, tant comme chef de la gendarmerie, que comme Commandant de la garnison internationale à Izzedin ont été particulièrement appréciés par les Amiraux, qui chargent leur collègue, l'Amiral anglais, de se faire, auprès du Major Bor, l’interprète de leurs regrets.
Ils demandent, en outre, à l'Amiral Harris, de vouloir bien signaler à l'Amirauté les services distingués de cet officier supérieur.
Les Amiraux, et particulièrement le Vice-Amiral italien, leur Président, sont assiégés de lettres et de télégrammes signés d'individus dont ils ne peuvent, le plus souvent, vérifier l’individualité. Autant que possible, ces documents, écrits en grec ou en turc, sont traduits et conservés aux archives pour, au besoin, être plus tard consultés ; la plupart, d'ailleurs, traitent d'affaires sans importance ou de questions que les Amiraux n'ont ni le temps, ni le pouvoir de trancher.
L'Amiral anglais fait savoir que le Colonel Chermside, commandant des troupes anglaises à Candie, a reçu une lettre du chef Korakas auquel obéissent les insurgés des 12 provinces de l’Est. Dans sa lettre, Korakas demande que les bachi-bouzouks de Candie soient désarmés et affirme que ce désarmement serait le meilleur moyen de pacification de l’île.
Le Colonel se propose de lui répondre qu'à son avis, en effet, le désarmement de tous les irréguliers dans l'île amènerait le calme, mais celui des insurgés, qui sont tous des irréguliers, doit marcher de pair avec le désarmement des bachi-bouzouks.
Cette réponse est bien celle qu’il convient de faire et est approuvée par les Amiraux, qui continuent à désarmer les irréguliers turcs toutes les fois qu'ils en trouvent l’occasion, sans qu'ils aient appris encore qu'un seul insurgé de l'intérieur ait déposé les armes.
Le Gouverneur Ismaïl a affiché une proclamation dans laquelle il déclare vouloir remettre en possession de leurs immeubles dans les villes, les propriétaires musulmans qui, ayant loué leurs maisons à des Chrétiens, ne reçoivent plus de loyer pour la raison que les Chrétiens, locataires, ont fui devant l'émeute et n'occupent plus ces locaux.
Le Gouverneur s'engage à faire remettre les maisons aux locataires quand ils se présenteront et à faire inventorier et mettre provisoirement sous séquestre les meubles qu'elles contiennent.
La mesure est assez logique, mais n'aurait pas dû être prise sans consulter les Amiraux ; la remarque en sera faite au Gouverneur Général ; mais les Amiraux estiment, en tout cas, que le délai de 15 jours, accordé à partir du 30 Juin, est insuffisant et devrait être porté à deux mois à cause de l'éloignement de la plupart des intéressés.
À bord du « Sicilia », à La Canée, le 11 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 78
Séance du 16 Juillet 1897
L'Amiral Harris donne communication d'une dépêche et d'un rapport du Colonel Chermside annonçant :
La première : Que le Gouverneur de Candie a reçu du Général de La Canée l'ordre de mettre toutes les troupes régulières (à l'exception d'un bataillon) aux avant-postes, pour renforcer le cordon extérieur et de retirer et de licencier les troupes irrégulières ;
Le second, contenant la proposition du même Gouverneur de Candie, d'agrandir le cordon jusqu'aux villages qui entourent la ville, en y employant autant de troupes que possible, et en faisant occuper par des troupes européennes, le village d'Episcopi dont la plupart des habitants sont chrétiens. Cet agrandissement du cordon serait demandé par la population musulmane, qui actuellement se trouve à l’étroit et n'a pas les moyens de faire paître ses bestiaux.
Les Amiraux approuvent qu'on substitue à Candie aux avant-postes du cordon extérieur, les troupes régulières aux irrégulières, car la discipline des premières donne plus de garanties et elles sauront sans doute se faire respecter et maintenir l'ordre.
Cependant ils expriment au Général commandant des troupes en Crète le désir qu'on laisse en dedans des murs de Candie des troupes suffisantes pour concourir, avec les troupes européennes, au maintien du calme.
Quant à la l'agrandissement du cordon, les Amiraux ne peuvent pas l’admettre, et ils admettent encore moins qu’il s'accomplisse avec le concours des troupes européennes. Dans les conditions actuelles, ce serait une provocation et on s'éloignerait du principe établi, de ne pas placer les troupes européennes là où la protection des navires ne peut pas s'étendre.
À Candie les Musulmans peuvent, d'ailleurs, se ravitailler et se procurer par voie de mer ce qui est nécessaire pour leur bétail. Cette voie est complètement libre depuis cinq mois et la population peut continuer à vivre ainsi, jusqu'à la pacification de l’île.
Le Commandant Amoretti propose de remplacer les troupes turques près de Chicalaria par une demi-compagnie de troupes internationales, et pour le moment, de Bersaglieri.
Les Amiraux ne font aucune opposition à condition que la force envoyée soit réellement proportionnée aux besoins.
L'Amiral Canevaro communique à ses collègues le texte d'une lettre reçue de la Présidence de l'Assemblée insurrectionnelle crétoise, lettre par laquelle la Présidence lui notifie, et par son intermédiaire elle notifie aux Amiraux, sa constitution officielle.
Les Amiraux, quoiqu'ils ne puissent reconnaître aucun caractère officiel à cette Assemblée, prennent acte de cette notification et se féliciteraient s’ils pouvaient réellement avoir ainsi un moyen pour communiquer plus facilement avec les insurgés crétois. Ils espèrent surtout que cette Assemblée, pour s'affirmer, tâchera d'obtenir la pacification et la cessation de ces actes continuels de représailles contre la propriété et la vie des adversaires, actes qui malheureusement jusqu'à présent sont continuels et rendent toujours plus difficile le retour à l'état normal.
À bord du « Sicilia », à La Canée, le 16 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 79
Séance du 18 Juillet 1897
L'Amiral Harris expose à ses collègues que la garnison de Candie est toujours insuffisante et qu'il désire la renforcer par ce qui reste de Highlanders à La Canée (200 environ). Il ne laisserait à La Canée qu’une dizaine d'hommes et un officier pour la garde de son pavillon.
Cette proposition est acceptée par les Amiraux.
L'Amiral Canevaro fait savoir à ses collègues qu’une centaine de Bersaglieri occupent maintenant le village de Chicalaria et que la ligne internationale est ininterrompue depuis Izzedin jusqu'à Soubachi par La Sude, jusqu'à Chicalaria, Nero-Pouro et Mouriès.
Les Amiraux reçoivent fréquemment, de navires grecs, des demandes de charger des caroubes sur la côte, particulièrement à Spinalonga, Sitia et Hierapetra.
Ils maintiennent leur décision antérieure interdisant en principe le commerce sous pavillon grec, tant que le blocus ne sera pas levé.
Le Commandant Amoretti signale aux Amiraux qu'une cinquantaine d'individus condamnés à la prison par lui et le Gouverneur Ismaïl pour divers crimes, et en particulier pour destruction d’oliviers, sont enfermés dans la prison de La Canée. Cette punition est illusoire à cause des secours que les Musulmans libres sont autorisés à fournir à leurs coreligionnaires détenus.
Comme il est nécessaire de faire des exemples, le Commandant Amoretti demande que ces individus soient déportés non pas à Smyrne où ils retrouveraient en prison le même confortable, mais à Benghazi.
Il est décidé qu'on profitera, pour les y faire porter, du premier navire de la flotte internationale qui pourra faire le voyage ; en attendant cette occasion, et pour marquer un commencement d'exécution, chaque navire-amiral recevra 3 ou 4 prisonniers qu’il conservera aux fers, jusqu’au départ pour Benghazi.
À bord du « Revenge », à La Canée, le 18 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 80
Séance du 21 Juillet 1897
Le Gouverneur de Candie insiste de nouveau pour demander l'élargissement du cordon autour de la ville ; les musulmans y sont véritablement trop à l’étroit. Le Colonel Chermside, Commandant militaire international, appuie le dire du Gouverneur.

Colonel Chermside
Les Amiraux maintiennent leur décision du 16 Juillet de ne pas élargir le cordon par la force, mais ils autorisent le Colonel Chermside à traiter cette question à l'amiable avec l'Assemblée crétoise réunie dans l’Apokorona. L'Amiral Harris notifiera cette détermination au Colonel.
L'Amiral russe informe ses collègues qu’une troupe d’environ 300 bachi-bouzouks est sortie de Rethymno, a pu prendre des armes cachées aux avant-postes turcs et est allée attaquer un village chrétien où elle a tué 7 individus, blessé 3 autres, et d'où elle a ramené quelques bestiaux.
Quelques jours après, une quarantaine de soldats russes sortaient de Rethymno, escortant le médecin russe qui allait donner ses soins à des insurgés. Dans le convoi, étaient 3 mules, chargées de vivres et de médicaments. La petite troupe a été attaquée à coups de pierres par les bachi-bouzouks et a répliqué à coups de crosses de fusils. Quatre ou cinq bachi-bouzouks ont été blessés.
Le Gouverneur Général demande, à son tour, l'élargissement du cordon autour de La Canée. Il lui sera répondu que tout le possible a été fait avec les troupes dont on dispose et que, d'ailleurs, le besoin ne se fait pas sentir de cet élargissement de la ligne des avant-postes.
À bord du « Re Umberto », à La Canée, le 21 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
Le Re Umberto
N° 81 A
Séance du 23 Juillet 1897 matin
Le départ des troupes russes pour Mourniès et celui, très prochain, des derniers Highlanders pour Candie, font que les garnisons de Soubachi et de l’Akrotiri ne comprendront plus que des Italiens et des Français. Pour la simplicité des ravitaillements, les deux Amiraux intéressés conviennent, avec leurs collègues, qu'à l'avenir, la garnison européenne de Soubachi ne comprendra que des troupes de l'une des deux nations, et celle de l’Akrotiri, que des troupes de l'autre nation.
Le Gouverneur Ismaïl fait part, aux Amiraux, de sa prétention, d'accord avec son Conseil d’administration, d'augmenter l'impôt sur l’huile, sous le prétexte que le prix de ce produit s'est élevé à la suite des demandes nombreuses qui en sont faites. Le conseil, devant être composé, régulièrement de 5 Musulmans et de 5 Chrétiens, et ces derniers n’étant pas présents, aucune mesure légale ne peut être prise, et le Président du Conseil des Amiraux fera savoir au Gouverneur Général qu'il y a lieu d'attendre, pour changer ce qui existe, que le Conseil puisse être régulièrement constitué, pour éviter toute cause de mécontentement susceptible de retarder la pacification.
À bord du « Alexandre II », à La Canée, le 23 Juillet 1897
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 82
Séances des 24 25 et 26 Juillet 1897
Le 24, à 10h30 du matin, les Amiraux, réunis à bord du « Charner », décident qu’ils recevront le 25, à 3 heures de l'après-midi, à bord du « Re Umberto », la visite de Djevad Pacha, débarqué le 24 dans la matinée, et qui a immédiatement fait exprimer à l’Amiral Canevaro le désir d'entrer en relation avec les représentants des Puissances.
Le Maréchal fera la première visite au conseil des Amiraux et ceux-ci la lui rendront à terre, ensemble, à 5 heures du soir.
Le 25, Djevad rencontre les Amiraux sur le « Re Umberto », aborde de suite, la question de son envoi en Crète :
Il ne vient nullement pour administrer, mais, seulement, pour remplacer Tewfik comme Commandant militaire. Le Sultan l'a choisi comme ancien Gouverneur, avec mission d'améliorer la situation des Musulmans, en élargissant de concert avec les Amiraux, le cordon militaire autour des villes et en faisant rentrer les Musulmans sur leurs propriétés. Il doit aussi rassurer ses coreligionnaires sur l’avenir qu’ils voient sombre, à cause de cette autonomie, qui ne vient jamais.
Une telle mission excède celle d'un Commandant militaire, répond l’Amiral Canevaro, au nom de ses collègues ; elle semble plutôt le rôle d'un Gouverneur Général.
En ce qui concerne l'autonomie, les six Puissances auront à cœur de l'établir le plus vite possible ; quant à la pacification de l'île, les Amiraux ont déjà fait tout ce qu’ils pouvaient et, plus que jamais, ils seront opposés à celui des deux camps qui essaierait de la retarder.
L’élargissement des cordons militaires est désirable, sans doute, mais il y a promesse des Amiraux que chacun des deux partis doit rester sur les positions occupées, et on ne peut songer à s’étendre que par une entente amiable. Il termine en remerciant le Maréchal du concours promis.
À 5 heures de l'après-midi, la visite est rendue au Maréchal, à terre. Nouvelle affirmation de Djevad qu'il n'est que Commandant militaire et que la question administrative reste entre les mains d’Ismaïl Bey.
L'Amiral Canevaro revient sur l’autonomie, acceptée par la Porte à la demande des Puissances, et s’étonne qu’un personnage de l'importance du Maréchal soit envoyé à pareille heure. Sa venue cause de l’inquiétude aux Chrétiens. Djevad déclare qu'il dissipera ces craintes, mais l’autonomie ne se réalise jamais et, d'accord avec les Amiraux, il veut apaiser les souffrances des Musulmans.
L'Amiral Canevaro, avant de rompre l'entretien, appelle l'attention du Maréchal sur le changement d'attitude des troupes ottomanes à l'égard des soldats européens ; certains petits faits, sans gravité encore, dénotent une certaine tension, et les Amiraux espèrent que Djevad la dissipera.
Les deux entrevues du 25, et l'effervescence qui règne à terre parmi les Turcs, depuis l'arrivée de Djevad Pacha, ne laissent aucun doute dans l'esprit des Amiraux ; Djevad a payé aux soldats et fonctionnaires deux mois de la solde arrièrée et a déclaré vouloir terminer en trois mois l'hôpital qu’il a commencé étant Gouverneur, et qui reste dans le même état depuis son départ. Ce n'est point là le fait d'un Gouvernement qui songe à se retirer, et les Amiraux, réunis le 26 à bord de la « Maria-Theresia » rédigent pour leurs Gouvernements la dépêche identique suivante :
Les conditions nouvelles dans lesquelles nous met l'arrivée de Djevad font craindre aux Amiraux que la position de nos troupes devienne très difficile ici et il leur parait indispensable qu'un nouveau bataillon soit prêt à partir au premier signal.
Ils insistent encore pour que le Gouverneur Général arrive avant que Djevad, tout en affirmant qu'il n'est que Commandant troupes, ait pris la position effective de Gouverneur.
Djevad a déjà payé deux mois solde à troupes et fonctionnaires, situation peut devenir grave d'un moment à l'autre.
D'après dépêche Ambassadeur anglais Constantinople, l'envoi de troupes turques est encore possible. Les Amiraux s'y opposeront par force, sauf instructions contraires.
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 83
Séance du 29 Juillet 1897
Les Amiraux et Commandants Supérieurs, après avoir rappelé la résolution prise dans la séance du 26 Juillet, relativement à l'envoi de nouvelles troupes en Crète, décident de donner l'ordre à tous les Commandants des navires et des troupes mises à terre de s'opposer, même par la force, à tout débarquement des troupes turques sur les côtes de Crète. Cette décision sera notifiée par le Commandant Amoretti au Gouverneur par intérim Ismaïl Bey.
Lecture est donnée du dossier, envoyé par le Lieutenant-Colonel Famin, relatif à l'attaque brutale et sans motif d'un soldat français par un soldat turc, attaque qui eût pu être fatale au premier sans l’arrivée d'une patrouille italienne.
Les Amiraux et Commandants Supérieurs estiment qu'il y a lieu de prendre ce fait en grande considération, des agressions analogues s'étant déjà présentées. Toutefois, avant de prendre une décision, ils sont d'avis d'attendre jusqu'à connaître le résultat de l'enquête turque et la punition infligée au soldat turc par ses chefs directs.
À bord du « Revenge », à La Canée le 29 Juillet 1897
Le Commandant français signé : P.Hennique
Le Chef d’état-major de l’Escadre
italienne signé : A. Carnevali
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
N° 84
Séance du 31 Juillet 1897
L'Amiral austro-hongrois lit un télégramme par lequel le Gouverneur de Candie informe le Gouverneur Général de Crète que le bateau à vapeur « Knossos » et quelques autres navires grecs poursuivent les barques turques aux environs de Spinalonga et de Cos, et les empêchent de naviguer. Il est décidé, que, conformément aux règles du blocus, ces navires seront saisis, si on les rencontre dans les limites du blocus, et retenus jusqu'après enquête faite.
L'Amiral Hinke donne connaissance d'un rapport par lequel le Commandant du transport ottoman « Fuad » se plaint de ce que des insurgés ont tiré des coups de fusil sur son navire passant près du cap Tripiti. On fera savoir à ce Commandant qu'on ne peut empêcher des insurgés isolés de tirer des coups de fusil, et que lui-même aurait dû répondre à cette attaque par tous les moyens dont il pouvait disposer.
Les Amiraux et Commandants examinent ensuite les dossiers relatifs aux différents qui viennent de se produire entre des militaires français et turcs.
1° Au sujet de l'agression d'un soldat français par un soldat turc, agression dont ils se sont occupés dans la séance précédente, les Amiraux et Commandants, ayant pris connaissance du rapport émanant de l'autorité ottomane, estiment que la punition de 15 jours de prison infligée au soldat est très insuffisante. L'ivresse invoquée comme excuse ne saurait en effet être regardée comme circonstance atténuante ; et d'autre part, le fait d'avoir saisi l'arme du soldat français doit être considéré comme une atteinte grave à la dignité militaire de ce soldat. Les Amiraux et Commandants pensent que la punition infligée n'est pas suffisante.
2° Le 28 Juillet, un officier turc, n'ayant pas été salué par une sentinelle française, ne s'est pas contenté de lui adresser directement des reproches, mais il a craché en exprimant son mépris pour les soldats français.
Les Amiraux et Commandants estiment que cet officier a eu tort d'invectiver la sentinelle au lieu de porter plainte au chef de poste, et que, par son geste et son attitude, il a porté au sentiment militaire et national du soldat français une atteinte qui emprunte une gravité particulière à sa qualité d’officier.
Les Amiraux et Commandants sont d'avis que cet officier devrait être contraint d'exprimer ses regrets et présenter ses excuses au Commandant des troupes françaises devant les personnes que celui-ci croirait devoir convoquer à cet effet.
3° Le 29 Juillet, une altercation s'est produite entre un soldat français et un soldat turc voulant l’un et l’autre prendre de l'eau à une même fontaine. Des divers rapports adressés aux Amiraux, il résulte que, si d'une part, le soldat turc a eu le tort de commencer par se moquer du soldat français, d'un autre côté, celui-ci n'était nullement fondé à frapper son adversaire, et qu'il a mérité la punition sévère que lui a infligée le Lieutenant-Colonel Famin.
Ces trois faits étant survenus presque en même temps, les Amiraux et Commandants sont portés à croire que cette coïncidence dénote sinon une animosité, du moins un désaccord qu'il importe de faire cesser au plus tôt. Ils décident de charger le Commandant Amoretti de faire part de leurs sentiments dans chacune de ces affaires aux autorités militaires turques et de transmettre aux Amiraux le résultat de sa communication, ceux-ci se réservant de prendre ensuite telles mesures qu’ils jugeront convenables.
L'Amiral Hinke informe les Amiraux et Commandants qu’un aide de camp de Djevad-Pacha est venu hier lui demander s'il est exact que l'ordre eût été donné aux soldats des troupes internationales de tirer sur les soldats turcs. L'Amiral a répondu qu'il y avait là un malentendu, l'Amiral français s'étant borné à prescrire à ses soldats de se servir de leurs armes s’ils venaient à être attaquées isolément.
À bord du « Maria-Theresia », à La Canée, 31 Juillet 1897
Le Commandant français signé : P.Hennique
Le Chef d’état-major de l’Escadre
italienne signé : A. Carnevali
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke